La chaîne de valeur
Une approche par filières chamboule donc les relations hiérarchiques que l’on est tenté de poser entre Centre et Périphérie. On observe dans l’ensemble des grandes régions économiques une répartition fonctionnelle (cadres vs ouvriers) apparente centre-périphérie, mais où les liens organiques dépassent le cadre régional. Ces liens se pensent au niveau des entreprises (groupes) multinationaux et un établissement de fabrication localisé en périphérie ne dépend pas nécessairement du centre géographiquement le plus proche. Des spécialisations locales peuvent naître d’un district local ou de l’implantation d’un grand groupe extérieur à la région économique considérée… Cela a deux conséquences.
- Un grand groupe est souvent la condition sine qua non du développement et du renouvellement des savoirs locaux car cela leur fournit une assise et une ouverture au monde dont les districts locaux sont incapables seuls.
- Des activités peuvent alors être présentes en périphérie sans l’être au centre. Le centre, lui, dispose généralement de possibilités de financement, de réseaux d’affaires ou de capacités de recherche de plus grande ampleur. Il s’agit donc de construire des réseaux d’échange régionaux émancipés de la relation hiérarchique ‘grande’ région – ‘petite’ région, et de repérer les possibilités d’interaction et d’intégration des activités.
Ces deux points peuvent permettre de doter des territoires des moyens pour capter ou générer de l’activité économique : l’aménagement du territoire, qui passe de plus en plus par l’emploi, demande donc d’intégrer les logiques de l’entreprise dans la réflexion. Mais cette orientation doit être prise en conservant à l’esprit que l’objectif reste le territoire et les Hommes : il s’agit donc de ne pas confondre les fins et les moyens du développement économique local.
Caractéristiques d’une chaîne de valeur.
Dans la littérature économique une chaîne de valeur, ou une filière, peut être définie comme un ensemble de produits (biens ou services) et de producteurs concourant à la desserte d’un marché. Ceux-ci sont organisés à l’échelle mondiale sous l’égide d’entreprises meneuses qui gouvernent l’ensemble de la chaîne : elles spécifient directement ou indirectement ce qui doit être produit, où et par qui. Ces entreprises arbitrent constamment entre l’internalisation et l’externalisation de la production et entre l’intégration et la désintégration spatiales (regroupement au même endroit de certains types de production ou au contraire leur éclatement). De nombreuses configurations peuvent ainsi apparaître, avec lesquelles les acteurs territorialisés doivent compter.
Au niveau mondial, la fragmentation du processus de production est de plus en plus importante. Krugman [1995] considère, à travers l’expression “Slicing the value chain”, que la décomposition internationale de la chaîne de valeur est l’un des quatre faits stylisés les plus importants du commerce mondial actuel. Même si le phénomène ne peut être réduit seulement à l’activité des firmes multinationales, ces dernières semblent en être l’un des acteurs principaux.